En meeting à Paris mardi, Bruno Gollnisch a répondu avec véhémence aux attaques de Marine Le Pen, sa rivale pour la présidence du Front national.
« Vraiment, je le sens bien. » Dans le fumoir défraichi du Back Up, une boite de nuit du 15e arrondissement de Paris où le FN a ses habitudes, Bruno Gollnisch s’accorde, l’air satisfait, quelques instants de répit. Mardi, 20 heures, l’éternel lieutenant de Jean-Marie Le Pen vient de se prêter une heure durant au jeu des questions/réponses avec les journalistes. Quelques minutes plus tard, dans des lieux au décor vieillot – « on dirait un bordel de province », ricane un participant – et surtout frigorifique – le chauffage a rendu l’âme – le challenger de Marine Le Pen a livré, devant les militants, un énième discours de candidat à la présidence du FN. Un public qui, pour l’heure, bouchonne à la caisse – l’entrée était payante. L’âge avancé de la majeure partie de l’assistance n’aide pas à la fluidité du trafic. Pas plus que les trois marches à descendre, périlleuses pour quelques cannes, qui permettent d’accéder à « l’orchestre ». Face à celui-ci, l’estrade, sur laquelle se dresse un pupitre encadré d’une dizaine d’imposants drapeaux tricolores.
« On n’est pas au PS », mais…
Surplombant cette salle entièrement boisée et à l’odeur âcre qui, lentement, mais sûrement, se remplit, Bruno Gollnisch savoure cette fin de campagne interne. Face à la presse, il a récité ses gammes. Oui, malgré les Cassandre, il croit dur comme fer à sa victoire contre Marine Le Pen. Et non, il n’a pas « l’intention de faire des trous dans la coque du bateau » si les adhérents du Front ne lui accordent pas leur onction lors du congrès de Tours, où tout se règlera à la mi-janvier. Quant à l’antagonisme qui existerait entre lui et sa rivale, il ne serait qu' »artificiellement mis en scène » par les médias et à placer sur le compte banal d' »une compétition électorale ». « On n’est pas au PS », plaisante-t-il, prêchant, bien sûr, pour sa paroisse – il se présente en « rassembleur », à « l’expérience plus diverse que Marine » – mais louant dans le même temps les « très grandes qualités » de son adversaire. Seule amertume, impossible à dissimuler: son déficit médiatique par rapport à la fille du chef frontiste – « Off the record », Bruno Gollnisch se montrera toutefois plus grinçant…
Ode aux « villages pimpants d’antan »
Mais face aux quelque 500 personnes venues l’écouter, l’universitaire ne s’est pas livré à la surenchère, seulement à une mise au point, visiblement mûrement préparée. Déclinant longuement et avec lyrisme sa France « rêvée » – « aux villages pimpants d’antan » et dans laquelle « la préférence nationale » s’appliquerait à tout et partout, jusque « dans les prisons » – l’élu lyonnais a en effet réservé les derniers instants de son laïus à sa réponse aux récentes attaques de son adversaire (*). Non sans délectation. Ainsi, dans son entourage, point « de laïcards extrémistes, de milices ethnico-religieuses ou de satanistes », comme semble le suggérer sa rivale, seulement « des braves gens qui deviennent des gens braves pour la défense de la patrie ». « Je ne vais tout de même pas me défendre du soutien de militants anti-communistes ou de partisans de l’Algérie française! », a poursuivi avec ardeur le chantre du « rassemblement de la famille nationale », clamant haut et fort, sous les applaudissements nourris de l’assistance, que « la dédiabolisation de Marine Le Pen ne doit pas passer pour la diabolisation du Front national! »
(*) A Bordeaux, fin novembre, Marine Le Pen avait dénoncé avec force le retour des « bannis » que préconise Bruno Gollnisch s’il est élu à la tête du FN. » Nous assistons à une radicalisation de ces groupuscules, au retour de quelques zozos caricaturaux, avait-elle attaqué. Ils sont un boulet pour le parti. Je ne voudrais pas qu’à l’occasion de cette compétition interne, on retombe dans le tunnel sans fin de la diabolisation. »
Nicolas Moscovici,
le JDD