Retour dans cette petite ville de la Mayenne, où les débordements de jeunes de banlieue scolarisés dans le nouvel établissement de réinsertion ont abouti à des expulsions.
Il mange de la brioche et boit du petit-lait. Ce jeudi matin, dans le salon cossu d’une maison prêtée par un particulier, Bruno Gollnisch ne cache pas sa satisfaction. Le vice-président du Front national, en campagne pour la désignation du candidat frontiste, a improvisé la veille une pause à Craon (prononcer Cran), 4700 habitants, petite ville sans histoires de la Mayenne. Du moins jusque-là. Le 9 novembre, une bagarre éclate au collège Volney. L’altercation a tout d’une Guerre des boutons version 2010, sauf qu’elle se déroule entre des élèves de Seine-Saint-Denis (« 9-3 ») placés dans le tout nouvel établissement de réinsertion scolaire (ERS) local et des collégiens du cru. Bilan : des injures, quelques baffes, des coups de pied et cinq exclusions. Les enseignants et les parents, déjà rétifs au projet, mettent en avant leur droit de retrait et retirent momentanément leurs enfants de l’établissement. Pour Bruno Gollnisch, l’occasion est trop belle de conclure à une « ratonnade anti-Blancs » et de dénoncer « la racaille subventionnée ». « Les gens de l’Ouest de la France vont enfin comprendre le FN et voir qu’eux aussi paient les conséquences de l’immigration ! » jubile-t-il.
La venue du n° 2 du FN et le dépôt d’affichettes provoc’ dans toutes les boîtes aux lettres de la ville ont surtout servi d’électrochoc aux Craonnais. Appuyé au comptoir du PMU, un habitant lâche du bout des lèvres: « Chez nous, il y a des méchants comme partout, mais nous ne sommes pas racistes ! » Le mot sonne comme une gifle. Ici, en pleine Mayenne angevine et catholique, on est fier de sa tradition d’accueil et de son ouverture d’esprit. « Le soleil brille pour tout le monde, ce ne sont que des gosses », soupire Bernadette, bénévole à la paroisse, en changeant les fleurs de l’église.
Le 11 novembre, le curé a prononcé quelques mots sur les « événements » dans son homélie, en appelant à la paix. Le maire insiste : « Dans mon conseil municipal, il y a autant d’élus de droite que de gauche. Nous avons une vraie tradition centriste », précise Paul Chaineau, élu depuis 1989, sans étiquette. Le tract du Front a selon lui « interpellé, choqué, refroidi, remué ». La ville se réveille avec la gueule de bois. Circulez, y a rien à voir…
Le choc des cultures était pourtant prévisible. Des gamins des cités du « 9-3 » dans un village du « 5-3 » (Mayenne), forcément, ça détonne. A Craon, on salue les gens que l’on croise, y compris les inconnus – qui ne le restent pas bien longtemps.