« Bruno Gollnisch veut rassembler l’extrême-droite, moi, je veux rassembler les Français »
C’est par cette formule lapidaire que Marine Le Pen cherche à expliquer sa différence de stratégie avec Bruno Gollnisch, son concurrent à la présidence du Front National. Une formule qui résume à elle toute seule les atouts et les faiblesses de la nouvelle égérie du Front National, qui part favorite dans le cadre de la succession de Jean-Marie Le Pen. Car si sa médiatisation et son discours à tonalité très sociale lui ont permis d’attirer un électorat plutôt ancré à gauche, elle n’a jamais réussi réellement à convaincre l’électorat plus traditionnel du Front national, rassemblé pendant des décennies derrière Jean-Marie Le Pen. Ce dernier avait en effet réussi l’exploit inédit de réunir au sein d’un même parti politique toutes les chapelles traditionnelles de l’extrême droite, royalistes et républicains, catholiques traditionnalistes et païens, européistes identitaires et nationalistes jacobins, jusque là divisés. L’utilisation du terme « extrême droite » par Marine Le Pen, terme habituellement décrié par ceux-là même qui se revendiquent avant tout de « droite nationale », n’est pas un hasard et révèle son intention : marginaliser Bruno Gollnisch dont elle sait qu’il possède contacts et réseaux importants, en diabolisant ses soutiens. Or Marine Le Pen sait bien qu’elle doit en grande partie son avance qu’au départ de cadres historiques s’opposant à sa personne, qu’elle n’a eu qu’à remplacer par ses proches.
« Avec moi, ils ne reviendront pas », clame-t-elle sans ciller juste après avoir souhaité » rassembler toutes les volontés « . » ils « , ce sont les anciens du Front National, du mouvement national républicain de Bruno Mégret ou du parti de la France de Carl Lang, dont elle a la hantise qu’ils reviennent adhérer en masse en faveur de son concurrent. Elle dénonce depuis quelques temps ce qui s’apparente selon elle une » opération d’entrisme. » « L’objectif est de voler aux adhérents du Front national la possibilité qu’ils ont de choisir leur avenir » affirme-t-elle à l’AFP. Une accusation totalement infondée selon Carl Lang , qui en profite pour dénoncer « la paranoïa » de l’héritière. Pour contrer cette offensive, Marine Le Pen n’a pas hésité à mettre en ligne un « CV » ou tout nouvel adhérent doit attester « sur l’honneur » de son parcours politique, au risque de voir son adhésion refusée au gré de ses anciennes allégeances.
Pour Bruno Gollnisch en revanche, « le pardon des offenses est moralement souhaitable et peut-être politiquement utile ». Face aux sollicitations de Marine le Pen de s’expliquer, il répond, placide:
« Je ne demande rien, mais je n’exclus rien. J’ai dit cinquante fois que j’étais favorable à une réconciliation, mais je n’ai pris aucun engagement.» Il n’hésite pas à citer, goguenard, Jean-Marie Le Pen lui-même, recevant Bruno Mégret à l’occasion des présidentielles de 2007 : « Les hommes d’Etat ne doivent pas garder le souvenir des faiblesses des hommes, ni des offenses de leurs ennemis, car ils ne doivent garder le souvenir de rien qui puisse constituer un obstacle à la collaboration patriotique».
FN – Le Pen – Mégret – Union des Patriotes 2007
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« Il n’a pas de gages à donner, sa fidélité a toujours été exemplaire » martèle un partisan de Gollnisch, visiblement réjouit par l’inquiétude des « marinistes ». « Les médias veulent croire que tout est joué, visiblement, ce n’est pas aussi simple que ça» ajoute-il. Aujourd’hui sur LCI, Bruno Gollnisch a été encore plus explicite et s’est prononcé clairement pour « un retour » de ceux qui sont partis.
« J’ai déploré les départs du Front National, quels qu’aient été par ailleurs les frictions, les amertumes et les désaccords, parce que je crois très fermement qu’il n’y a place que pour une grande formation, et une seule, apte à défendre l’identité française, pour sortir la France des ornières de la décadence dans laquelle elle se trouve. Par conséquent, je suis pour le retour de ces gens là. »
Ces gens là, ce sont avant tout les sympathisants de formations dissidente, mais aussi certains de leurs cadres. Un franchissement du Rubicon inacceptable pour les partisans de Marine Le Pen qui se répandent sur internet en déclaration hostile à un retour des « félons ». Jean-Marie Le Pen lui-même, qui ne manque pas une occasion d’afficher son soutien à sa fille, a déclaré à l’AFP qu’il y était « tout à fait hostile».
« Le rassemblement proposé par Bruno Gollnisch va-t-il s’étendre jusqu’à Marine Le Pen ? » va jusqu’ à s’interroger Alain Jamet, vice-président du mouvement et président du comité de soutien de Marine, qui a lui aussi cédé sa place à sa fille en région Languedoc-Roussillon.
Bruno Gollnisch se défend de vouloir la mettre à l’écart:
« Quelle que soit le résultat de cette compétition naturelle, aucun des deux protagonistes n’entend se priver de la contribution que l’autre peut apporter à la cause que nous servons. » Il entend bien assumer ses propos, tout en précisant dans un communiqué que sa position n’est qu’une position de principe dont le but vise « à rassembler dans le futur la droite nationale autour du Front, avant de l’élargir, et selon des modalités qui devraient naturellement être ultérieurement discutées et précisées. »
Marine Le Pen et « l’extrême-droite » : Schizophrénie entre paroles et actes ?
Pourtant, Marine Le Pen est loin d’être un exemple de virginité dans le domaine de la séduction des extrêmes. Jusqu’en 2009, elle était très proche de l’essayiste sulfureux Alain Soral, issu des rangs de l’extrême gauche, dont les propos antisionistes virulents n’avaient rien à envier avec les franges les plus radicales de la droite-extrême. Elle aurait aussi noué contact à plusieurs reprises avec Fabrice Robert, un des dirigeants du Bloc Identitaire, ex-Unité Radicale (groupuscule dissous à la suite de la tentative d’assassinat de Jacques Chirac par un de ses membres en 2002), ce que l’intéressé a reconnu. Ce groupe s’est distingué par des actions choc comme la distribution de soupe au lard, et un discours politique à tonalité racialiste. Et dans l’entourage de Marine Le Pen, on compte beaucoup plus d’anciens mégrétistes qu’autour de Bruno Gollnisch. Dernière recrue en date, Nicolas Bay, ancien secrétaire général du MNR, qui en 2004, dans une vidéo ayant fait le buzz dans les milieux de la droite extrême, dénonçait en des termes très violents le népotisme de la famille Le Pen. Quatre ans plus tard, le Front National ayant des places à proposer pour les élections régionales, M. Bay avait obtenu la tête de liste en Normandie, en échange d’un ralliement à Marine Le Pen. Cet épisode avait créé des remous, y compris chez des proches de Marine Le Pen. De quoi faire ricaner les partisans de Gollnisch.
« Avant de faire la leçon à Bruno, qu’ils aillent au bout de leur logique et qu’ils réclament le départ des mégrétistes repentis ! » raille un jeune gollnischien. « A vrai dire, la vrai différence entre Marine et Bruno, c’est que Gollnisch, lui, il a le sens de l’unité, de l’intérêt général avant son intérêt particulier. Il a toujours essayé d’éteindre l’incendie, là où d’autres se complaisaient dans le rôle de pyromane. C’est aussi pour ça qu’on l’apprécie. Comment prétendre faire du FN une machine de guerre quand on l’a dépouillé de ses cadres ?» poursuit-il, allusion directe aux départs et aux exclusions qui ont émaillé les quinze dernières années de la vie du Front National. Depuis 1998 et la scission mégrétiste, le FN a en effet perdu près de 80% de ses cadres. Une faiblesse connue des deux parties qui pèse lourd dans la crédibilité du mouvement en tant que parti de gouvernement.
Marine Le Pen n’hésite pas non plus elle aussi à faire des appels du pied vers d’autres formations politiques. Lors de sa dernière réunion dans les Yvelines, dimanche dernier, Marine Le Pen a tenu à rendre hommage à Philippe de Villiers, tout juste démissionnaire du conseil général de Vendée et plus habitué aux railleries qu’aux honneurs dans les discours frontistes . Son cadavre encore chaud, elle en a profité pour appeler les membres du MPF à adhérer au Front National. Subtilement, elle essaie elle aussi de faire jouer ses réseaux. Dans le dernier numéro de Valeurs Actuelles, Paul-Marie Couteaux, écrivain et dissident du MPF qui entretient de bon rapport avec Marine Le Pen, laisse entendre que des alliances UMP-FN seraient possible si elle était élue présidente du FN. Un double langage habile pour celle qui se défend de tout rapprochement avec l’UMP.
Votez Marine ou… passez votre chemin?
Devant tout cela, on finit par se demander si les indésirables au FN sont réellement ceux qui viennent d’autres formations politiques, ou ceux qui risqueraient de ne pas voter pour Marine Le Pen?
Quant aux accusations d’entrisme, elles laissent perplexe. Marine Le Pen est-elle réellement inquiète ? Peut-être craint-elle que ses partisans se démobilisent si tout parait joué, elle qui laissait penser il y a encore quelques semaines que le congrès n’était qu’une formalité avant la présidentielle de 2012? Car si l’appareil est acquis à Marine Le Pen, rien n’est moins sûr au niveau de la base où Gollnisch fait salle comble à chaque réunion. Et l’idée qu’il puisse prendre la présidence du parti pour lui laisser la présidentielle fait son chemin chez les militants…
Une seule chose est sûre, nous aurons le mot de la fin le quinze janvier, à l’issue du congrès du Front National à Tours.
exelent!