Ce lundi 25 octobre, Bruno Gollnisch était l’invité du « Chat » lecteurs Le Monde :
Esteban : Alors, avez-vous déjà perdu?
Bruno Gollnisch : Je ne crois pas. Les chances me paraissent partagées : 50/50. Certes, je cumule certains handicaps. Plusieurs de ceux qui, sans doute, m’auraient soutenu, sont partis. J’ai perdu certainement de l’influence sur l’appareil central du mouvement. Mais je dispose encore de la confiance de très nombreux membres, ainsi que plusieurs journalistes qui suivent ma campagne interne s’en sont rendu compte. Leur jugement sur mes chances de remporter cette échéance a d’ailleurs évolué depuis.
Véronique : Comment peut-on s’attendre à ce qu’un parti comme le FN organise une compétition démocratique ? N’est ce pas un non-sens ?
Et pourquoi serait-ce un non-sens ? Au contraire, je pense que ce sera une preuve de maturité de cet appareil, très tributaire jusqu’ici, c’est vrai, de la personnalité charismatique de Jean-Marie Le Pen.
Mais d’une certaine façon, et quelle que soit l’issue de cette compétition, ce sera un hommage rendu à son action que de prouver qu’il a été en mesure de créer un appareil capable de survivre à sa personne et à son action.
Cienfuegos : Comment vous expliqueriez vos différences politiques avec Marine Le Pen ?
Je suis franchement embarrassé pour répondre à cette question, dans la mesure où l’ascension médiatique de Marine s’est faite sur le thème de la « modernisation », de la « dédiabolisation », voire de la « déringardisation ». Après plusieurs années, je ne sais toujours pas avec précision en quoi tout cela consiste.
En ce qui me concerne, je crois être tout à fait moderne, mais je pense fortement qu’il n’y a de modernité viable qu’enracinée dans la tradition.
Mes positions sont connues. Je les ai récemment rappelées dans une déclaration à Saint-Denis. J’aspire à redonner vie à l’identité française, par une grande politique familiale et d’accueil de la vie, afin de résorber notre déficit démographique.
Je veux affranchir la culture française, ainsi d’ailleurs que notre politique étrangère, de la domination du monde anglo-saxon.
Je veux une protection raisonnable de notre économie à l’égard des pratiques de dumping social qui la ruinent, ainsi qu’une libération des énergies à l’intérieur par une réduction drastique du nombre de niveaux d’administration, des contraintes bureaucratiques, des prélèvements fiscaux, etc.
Doudou : Que pensez-vous des déclarations de Jérôme Bourbon, un de vos plus fervents soutiens et rédacteur de Rivarol, qui estime que Marine Le Pen est entourée de « juifs patentés » et d' »invertis notoires » ? Un tel soutien peut-il vraiment apporter de la crédibilité au FN ?
Je réprouve tout propos injurieux. Je n’ai pas sollicité M. Bourbon, ni même eu de contacts récents avec lui. Je réponds entièrement de ce qui est publié sur mon site Internet. Je ne réponds pas de tous les propos de ceux qui me soutiennent ou qui disent me soutenir ; il y aurait trop à faire.
Leurs propos les engagent dans la responsabilité personnelle qui est la leur.
Reversus : Est-ce qu’il y a des points communs entre la période que vous traversez actuellement et celle de 1998 qui a conduit à l’exclusion de Bruno Mégret ?
Il existe, c’est vrai, une certaine tension, qui n’est pas toujours facile à vivre dans un mouvement où l’amitié devrait prévaloir, compte tenu de l’hostilité que nous rencontrons tous de la part des tenants du système en place.
En revanche, il n’y a pas de situation comparable à celle de 1998, qui fut une tentative d’OPA frauduleuse sur le Front national et d’éviction de sa direction légitime.
Ma candidature s’inscrit dans un cadre parfaitement régulier, et d’ailleurs considéré comme tel par l’ensemble des protagonistes du débat actuel.
Les tensions qui naissent inéluctablement de la dynamique de groupe inhérente à ce genre de compétition ne sauraient par conséquent dégénérer d’une façon comparable à ce qui s’est produit.
Laurent : Y a-t-il un risque de scission au FN ?
Non. Il y a une compétition ; il peut y avoir des frictions ; celles-ci devront disparaître au lendemain de l’élection, et chacun devra faire bloc autour du nouveau président ou de la nouvelle présidente.
Si je suis élu, j’exigerai naturellement que chacun se soumette à la volonté librement exprimée par nos membres. Si je ne suis pas élu, je m’inclinerai devant cette même volonté. Et ce, sans réserve.
Reversus : Un conseiller de l’Elysée affirmait au Parisien que Marine Le Pen serait au gouvernement dans dix ans. Ce scénario est-il plausible selon vous ?
Ce conseiller me paraît avoir des dons tout à fait exceptionnels ! Qui peut prévoir ce qui se passera dans dix ans ?
Ce que je pense, personnellement, c’est que l’UMP ne survivra pas à l’échec programmé de Nicolas Sarkozy. Elle explosera. A partir de là, y aura-t-il une frange sincèrement désireuse de s’entendre avec la droite nationale, et de réaliser au moins une part substantielle de son programme ? Si c’était vraiment le cas, je ne vois pas pourquoi, dans le bien du pays, on s’interdirait tout accord.
Dans le cas contraire, qui a prévalu jusqu’à présent, nous devrons rester fermes sur nos positions, n’accepter aucun compromis de nature purement électoraliste, et faire grandir notre mouvance, de la droite sociale à la gauche patriotique, de telle sorte qu’elle arrive en tête du premier tour d’élections au suffrage majoritaire. Ce n’est pas du tout impossible.
Jérôme : Seriez-vous prêt à reconnaître publiquement que les chambres à gaz ne sont pas un détail de l’histoire, contrairement à Monsieur Le Pen?
Il s’est expliqué cent fois sur ce sujet, apparemment en pure perte. Il en a été de même en ce qui me concerne ; je ne souhaite donc pas revenir sur ce sujet, dont l’expérience a montré qu’il servait surtout à tenter de polémiquer inutilement et non pas à débattre sereinement de l’histoire contemporaine.
Propos modérés par Caroline Monnot